Moi et les OGM

Le 4 et 5 décembre 2008, a eu lieu le procès de 9 faucheurs volontaires accusés d'avoir saccagé ("neutralisé" selon leurs dires) 11 ha de maïs OGM à Charcé-Saint-Ellier en septembre 2007. Il s'est accompagné d'une véritable kermesse anti-OGM.

Tout un village de tentes avait été installé devant l'esplanade du palais de justice où l'on pouvait boire, se restaurer... et rencontrer toutes sortes d'associations appartenant à la mouvance altermondialiste au sens le plus large: défense de la nature, promotion de l'agriculture biologique, soutien aux sans-papiers... Parmi les mouvements les plus connus, étaient représentés Greenpeace, Attac, Réseau sortir du nucléaire...

Le tout a servi de cadre à une promenade en calèche pour les neuf prévenus avant de se présenter au palais de justice et d'une visite de José Bové... dans une ambiance bonne enfant loin sûrement du sérieux des débats judiciaires.

La crise financière actuelle a mis sous les feux de la rampe les agences de notation. Un parallèle peut être fait entre les notes qu'elles donnent et les études réalisées sur les OGM. Dans les deux cas, il y a potentiellement conflit d'intérêt.

Dans le premier cas, des entreprises ou des Etats demandent aux agences de notation de mesurer le risque qu'il y a de detenir les emprunts et les titres financiers qu'ils émettent en donnant des notes selon le risque encouru. Le hic, c'est que c'est celui qui veut être contrôlé qui paye. Aussi les agences de notation ont intérêt à ne pas être trop sévères avec leurs clients pour ne pas les perdre. C'est ainsi que les subprimes ont reçu de très bonnes notes synonymes de risque quasi nul ce que les évènements ont cruellement démenti.

Dans le second cas, les études sur les OGM sont financées pour la plupart par les entreprises ayant intérêt à leur diffusion. Les laboratoires auxquelles elles font appel comme les agences de notation se retrouvent eux aussi donc alorsen situation de conflit d'intérêt.

Le parallèle s'arrête là car si les clients des agences de notation ont intérêt à la diffusion de leurs notes surtout quant elles sont excellentes, les résultats des études sur les OGM restent le plus souvent confidentiels (car loin d'être toujours favorable aux OGM? La tentation est grande de répondre par oui surtout quune étude publique récente a donné des résultats plutôt négatifs).

Selon une étude toxicologique menée par des des chercheurs autrichiens, des souris nourries avec du maïs MON810-NK603 se reproduisent moins bien que celles nourries avec du maïs conventionnel. C'est le résultat de deux expériences.

La première a consisté à suivre deux groupes de souris sur quatre générations, l'un avec du maïs conventionnel, l'autre avec du maïs transgénique MON810-NK603. Aucune différence notable sur la capacité reproductrice des deux groupes n'a été constatée. Ce sont les résultats de la seconde expérience qui ont surpris.

Dans la seconde, une même génération de rongeurs devait donner naissance à quatre portées successives. Comme pour la première expérience, les souris étaient divisées en deux lots, l'un nourri au maïs OGM, l'autre avec du maïs conventionnel. Le premier groupe a donné naissance à des portées beaucoup plus petites que pour le second surtout à partir des troisième et quatrième portées. Au final, la différence atteignait presque 20% (844 naissances contre 1053).
Les auteurs de cette étude s'expliquent mal cette différence peut-être due, d'après eux, uniquement à la conjonction d'une nourriture à base de maïs OGM et d'un stress induit par des portées trop rapprochées.

Si les chercheurs se montrent très prudents dans leurs conclusions et appelent à une poursuite des recherches, les anti-OGM y voient sans surprise un nouvel argument en leur faveur et demandent le retrait immédiat des OGM en cause. En se basant sur le principe de l'équivalence en substance (pourtant honni par les anti-OGM), cette demande est légitime et peut au moins justifier d'un nouveau moratoire, le temps de nouvelles rehcerches pour confirmer ou infirmer les résultats de l'étude autrichienne.

Détail important, cette étude est une des très rares financées par des fonds publics, la plupart étant financées par l'industrie biotechnologique avec des résultats restant presque toujours confidentiels.

Dans quelques semaines, aura lieu à Angers le procès de neuf faucheurs volontaires ayant saccagé un champ de maïs OGM en 2007 à Charcé-Saint-Ellier, commune du canton de Thouarcé dans le Maine-et-Loire. Sans cette action, ce blog n'existerait probablement pas. En tant que fils d'agriculteurs, cela m'avait choqué. Oser ravager un champ même OGM, cela me semblait alors un acte de violence gratuite et difficilement pardonnable.

A l'époque, je passais tous les jours devant ce champ. Son saccage avait été précédé de toute une série d'actions symboliques. La plus marquante avait été la pose d'affiches sur laquelle était écrit: "canton déclaré zone OGM", sous-entendu, territoire très gravement pollué à évacuer immédiatement. En bref, il s'agissait d'assimiler la culture de plantes transgéniques avec une pollution à la dioxine ou à un accident nucléaire. Ce champ aurait donc représenté une menace écologique telle que cela aurait justifié sa destruction. A ce que je sais, personne à Charcé-Saint-Ellier n'a été victime de maladies bizarres en 2007.

Tout cela, et en particulier les affiches, me semble un bon exemple des excès des opposants aux OGM qui agiteraient parfois plus des peurs irrationnelles que des craintes réalistes.   

Des souris ont vu leur durée moyenne de vie passée de 142 à 182 grâce à la consommation de tomates OGM préalablement réduites en poudre.
Dans ces tomates, avaient été introduits deux gènes issus de la gueule-de-loup ou muflier (Anthirrhinum majus) et jouant un grand rôle dans la production d'anthocyanes. Ceux-ci sont des antioxydants de la classe des flavonoïdes mais aussi des pigments jouant un grand rôle dans la coloration des fleurs dans les tons mauves, rouges ou bleues. Les tomates OGM ont d'ailleurs une coloration pourpre grâce à un taux d'anthocyanes presque trois supérieures aux tomates non transgéniques.
Cette expérience nous montre un exemple du potentiel des plantes OGM dans le domaine de la santé même s'il est encore beaucoup trop tôt pour extrapoler. D'abord, elle a été menée sur des souris bien particulières auxquelles ils manquaient un gène protecteur contre certains cancers. De plus, il n'a pas été pris en compte d'éventuels effets toxiques.
Ce n'est donc pas demain qu'on nous prescrira la consommation de plantes OGM dans la prévention de certains cancers.

D'après un communiqué de presse de la CRIIGEN (www.criigen.org) datant de mars 2008 et reprenant un article rédigé par une équipe de chercheurs italiens menés par Marcello Buiatto, le maïs OGM MON 810 présenterait des caractéristiques génétiques imprévues non décrites jusque-là. Le gène codant la toxine insecticide caractérisant cette plante transgénique se serait inséré dans un autre gène codant pour une ubiquitine-ligase, les ubiquitines-ligases étant des enzymes jouant un grand rôle dans la régulation de certaines fonctions cellulaires. La CRIIGEN s'inquiète de ce que cela "pourrait permettre la formation de nouvelles toxines insecticides hybrides" et des conséquences que cela pourrait avoir sur la biosécurité. Elle demande donc un renforcement des études et des réglementations sur les OGM.
Cet article montre que chaque gène n'agit pas tout seul dans son coin mais en interaction avec de nombreux autres gènes. L'introduction d'un nouveau gène dans un génome peut donc amener des résultats assez différents de ceux espérés. C'est ainsi que l'insertion du gène opaque-2 chez le maïs améliorait la qualité des protéines produites ce qui était le but recherché mais s'accompagnait parallèlement d'une baisse sensible des rendements (exemple cité dans Plantes transgéniques: faits et enjeux). La génétique n'a pas fini de nous réservé des surprises.

Selon les chiffres publiés par Europabio, le lobby européen des biotechnologies et repris dans un article du Ouest-France du 30 septembre, les surfaces cultivées en OGM dans l'UE auraient baissé en 2008 par rapport à 2007 passant de 110 000 ha à 108 000 ha. La raison essentielle, c'est l'interdiction en France du maïs MON810, le seul OGM autorisé à la culture dans l'UE. En 2007, il en était alors cultivé 22 000 ha en France soit alors 20% des surfaces dans l'UE. S'il n'y avait eu l'interdiction, il en aurait probablement été cultivé autant voire plus. L'Espagne a ainsi vu ses surfaces en MON810 augmentées de 5% entre 2007 et 2008 pour atteindre 79 000 ha (ce qui fait de l'Espagne le premier producteur européen d'OGM).

C'est donc après plusieurs années de hausse interrompue, une baisse en trompe-l'oeil et même si le maïs MON810 reste interdit à la culture en France en 2009, les surfaces en maïs MON810 vont probablement dépasser en 2009, le pic atteint en 2007.

Les responsables français de la filière maïs auraient bon espoir que des variétés de maïs OGM soient autorisées à la culture en 2009. c'est ce qui ressort d'un article paru sur le site  terre-net (www.terre-net.fr) le 19 septembre au lendemain de l'assemblée générale de l'AGPM (Association générale des producteurs de maïs). Rien n'est dit sur les raisons de cet optimisme.

Par contre, une idée en particulier est développée sur les conséquences négatives que pourraient avoir le maintien de l'interdiction de la culture de maïs OGM. Cela représenterait une vraie menace pour la souveraineté alimentaire de la France et de l'Union européenne, entre autre, par la perte de compétitivité que cela induirait. A terme, cela conduirait à une situation de dépendance envers les pays acceptant les OGM comparable à celle observée avec les hydrocarbures. L'auteur parle même que cela rendrait possible "une politique de dissuasion alimentaire encore plus redoutable que l'arme nucléaire".

Cet article développe donc un argumentaire pro-OGM d'ordre géopolitique et, étonnament, les deux camps s'étripant sur la question des OGM se rejoignent sur l'idée que chaque Etat doit pouvoir assurer son indépendance alimentaire (et sauf erreur de ma part, la France est largement auto-suffisante même sans OGM, au point que l'on peut dire que son modèle agricole productiviste a trop bien réussi)).

Le fauchage de cultures OGM par Bové et ses amis correspond à une stratégie délibérée de désobéissance civique. Celle-ci peut se définir comme une opposition pacifique mais résolue à une loi jugée inique ou injuste au nom d'une morale supérieure et par l'emploi de techniques non-violentes. Elle vise à remettre en cause la norme contestée. Elle a été illustrée au XXème siècle par de grandes personnalités telles que Gandhi et Martin Luther King. Le premier lutta pour l'indépendance de l'Inde en organisant par exemple des grèves de la faim. Quant au second, il lutta contre les lois discriminatoires contre les Noirs aux Etats-Unis en organisant entre autres le boycott des compagnies de bus où des places étaient réservées aux Blancs. José Bové pratique lui aussi à sa façon la désobbéissance civique car ses actions anti-OGM se font au grand jour et sont revendiquées par lui.

Si on partage les idéaux de celui que j'ai envie d'appeler le "moustachu du Larzac", on considérera ses actions comme légitimes. Sinon on parlera d'actes de vandalisme comme les dénonce la firme Monsanto. In fine, le but de ce blog est de répondre à la légitimité du fauchage des cultures OGM. 

Interrogé par l'Associated Press, José Bové se serait dit "satisfait du travail accompli" après la destruction de parcelles de maïs OGM appartenant à monsanto le 15 août dans la Vienne auxquelles il a pris part.

Il a de quoi être satisfait puisqur selon un communiqué de Monsanto, tous les essais OGM menés par la multinationale en France en 2008 auraient été détruits.

José Bové doit-il pour autant en être fier? En participant au saccage des essais OGM de Monsanto, il aurait commis un acte illégal puisque ces essais auraient eu toutes les "autorisations requises" car cultivées "à des fins d'expérimentation sous le contrôle du ministère de l'Agriculture" selon ce que prévoit le décret du 9 février 2008. De plus, selon la multinationale, il agirait ainsi "au détriment des citoyens et les consommateurs" en empêchant toute recherche en France sur le progrès que pourraient représenter les OGM.

Ce n'est sûrement pas l'avis de José Bové. Au contraire, il pense avoir eu raison d'agir comme il l'a fait puisque les actions anti-OGM du 15 août ont eu lieu en plein jour au vu et au su de tous.